Roman historique écrit en 2003

disponible en auto-édition sur le site Thebookedition.com
De quoi ça parle?
Catherine Robillard est-elle une meurtrière machiavélique ou au contraire l’innocente victime de la plus odieuse des machinations? Maxime d’Entrailles arrivera-t-il à démasquer son vrai visage et si oui, parviendra-t-il à s’en faire aimer?
Car épouse bafouée ou menteuse éhontée, elle reste avant tout l’obsédante héroïne de ce récit fleurant bon le XIXème siècle et les douces brumes pastel du vignoble bordelais.
Chapitres:
Partie 1 : Une étrange obsession, 1853
– La diligence
– Les rives du Cubzaguais
– Chez les Robillard
– Un dîner chez Savezac
– De vigne en clairet
– Le château de Simon de Montfort
Partie 2 : Le mensonge, 1854
– Le bal du Nouvel An
– Révélations forcées
– Jean Flumel, policier
– L’accusation
– Les moulins de Montalon
– Le départ d’un soldat
– L’épidémie
– La trahison
Epilogue : Sur les chemins, 1855
Extraits:
– Pourquoi êtes-vous partie comme si vous aviez le diable aux trousses le soir du bal ? demanda Maxime sans aménité.
Il avait surpris le mouvement de contrariété de Catherine et, agacé, comptait porter l’attaque sans l’échange des courtoisies habituelles. Il n’accepterait aucun faux-semblant, aucun repli de barricade. Il voulait trop savoir.
– Je ne désirais certes pas m’immiscer entre vous et cette superbe blonde qui vous cherchait si fort, répondit Catherine sur le même ton.
Maxime regarda attentivement la jeune femme, cherchant une réponse dans ses grands yeux clairs.
– Vous n’avez pas l’air de l’aimer beaucoup, remarqua-t-il.
– Pourquoi cette question? Je ne connais pas cette femme. Si je suis partie avant la fin du bal, c’est parce que j’avais la migraine.
– Ah oui ? coupa Maxime. C’est curieux mais j’ai plutôt eu l’impression que votre malaise, subi ou inventé, mais peu importe, était dû à la présence de la baronne de Recatel. Je suis sûr que vous la connaissez et que même vous la détestez. Oserai-je penser que vous en êtes jalouse ?
Sans s’en rendre compte, il avait adopté un ton cruellement ironique qui frappa Catherine comme un coup de poing et la laissa étourdie, sans énergie, comme abrutie par un choc plus fort qu’elle. Il avait voulu la mettre en colère afin de la pousser dans ses retranchements mais ne s’attendait pas le moins du monde à la réaction résignée qu’elle affichait, digne d’une victime qui s’offre d’elle-même au sacrifice sans un cri, sans une révolte.
– J’ai été jalouse d’elle dès qu’elle s’est installée à Paris avec le baron. Très vite elle a rencontré mon mari, nous fréquentions les mêmes cercles mondains. Elle est devenue sa maîtresse. Je la hais.
– Ah ! Et son époux a provoqué le vôtre en duel ?
– Non.
– Que s’est-il passé ? insista Maxime.
Il la sentait brisée, prête à tout révéler s’il savait utiliser les mots justes. Il y avait tant de mois qu’elle tentait sans succès d’enfoncer le passé dans l’oubli. Elle se taisait depuis trop longtemps.
– Le baron est mort, votre mari aussi alors qu’il était l’amant de la baronne, lâcha-t-il d’un ton sec. Alors je le répète : que s’est-il passé ? Le baron Recatel ignorait-il vraiment la liaison de sa femme ?
Maxime pressait Catherine de questions, impatient, luttant vainement contre la violence qu’il sentait monter en lui. Comment lui faire avouer ce qu’il mourait d’envie de connaître et qu’elle refusait encore? Il hésitait à la secouer tel un vulgaire arbre perdant un à un ses fruits secrets, il fallait la dépouiller de ses réserves, feuille après feuille, mot après mot. Lorsqu’il posa une main brutale sur le bras de la jeune femme, elle se dégagea vivement et s’écria :
– Vous ne comprenez pas ! Il n’y a pas eu de duel. Mon mari a assassiné le baron et on l’a décapité pour son crime.
L’indignation avait beau remplacer l’amour en son cœur, Maxime n’arrivait pas à s’évader du cercle infernal que faisait peser sur ses pensées le déroulement implacable des différentes phases du drame. Elles l’obsédaient. Il devait bien s’avouer qu’au fond de lui, il hésitait encore à y croire, comme si une partie de son être protestait contre une conclusion si intolérable.
Pour se délivrer de ses doutes torturants, il décida d’organiser une rencontre entre Catherine et Flumel, à laquelle il comptait assister caché afin de surprendre leurs mensonges. Il avait pertinemment compris qu’un homme de la trempe de Flumel ne se laisserait pas intimider par un simple interrogatoire. Il avait trop l’habitude d’en donner lui-même. Par contre, que ne révélerait-il pas en présence de la femme dont il était amoureux ? La joie de se revoir fatalement entraînerait des confidences, le rappel des heures passées ensemble. Peut-être iraient-ils jusqu’à l’évocation de leur double crime si bien réussi ?
A la pensée que, plus d’une année s’étant écoulé depuis l’affaire, les deux protagonistes n’éprouveraient peut-être aucun besoin d’en parler, Maxime se sentit accablé par un sentiment d’impuissance fort déplaisant. Mais aussitôt il rejeta cette hypothèse, par trop déprimante. Il était évident que deux anciens amants se retrouvant après un an de séparation évoqueraient leur passé commun, se rassura-t-il. De quoi d’autre pourraient-ils parler ? D’ailleurs qu’était-ce qu’un an sinon quelques mois trop courts en tout cas pour oublier une histoire si peu ordinaire ?…
L’heure du rendez-vous fixé s’annonçant, le jeune espion pénétra dans la tour et emprunta l’escalier branlant qu’utilisait le meunier pour monter les sacs de grains jusqu’à la chambre des meules. Il se glissa sous la charpente imprégnée du souvenir enchanteur des champs souriant à l’été, quand ils charrient les grains à la couleur de miel, telles de petites balles rondes au goût de blé, de seigle et d’avoine. Des années de moisson avaient laissé jusque dans les poutres des arômes de soleil et de pain chaud qui fouettaient agréablement l’imagination.
Maxime s’installa contre les sacs et se prépara à attendre courageusement. Bientôt il entendit des pas légers fouetter la terre sèche. Un parfum de fleurs monta vers lui, drainant dans son délicat sillage une gamme variée d’émotions dont il ne se sentait plus maître. Catherine arrivait, elle était là, elle attendait Flumel, sans se douter qu’un piège lui était tendu.
Maxime savoura l’instant avec une cruauté maladive, son instinct de chasseur réveillé par la présence de sa proie. La seconde victime ne se fit pas attendre. Sa démarche plus rapide, plus brutale mais aussi plus farouche, déterminée et implacable, la précipita vers le moulin où Catherine rêvait. Elle l’avait senti arriver et ne fut pas surprise. Au contraire un frais sourire éclaira son visage pâle, comme ébloui par un agréable plaisir.
– Madame ? fit le policier, sur la défensive. Vous vouliez me voir ?
– Oh ! mon ami, j’ai été si surprise d’apprendre votre présence à Saint-André-de-Cubzac. Votre vue me remplit de joie.
– J’aurais plutôt cru que ma présence ne vous rappellerait que de trop douloureux souvenirs, observa Jean avec une incroyable douceur.
– Mais dans l’infortune où je me trouvais alors, vous m’avez si bien consolée. Vous avez été mon unique soutien. C’est vous qui m’avez sauvée, vous seul, vous m’entendez ? Si vous n’aviez pas été là, si vous ne m’aviez pas prise en pitié…
– Je ne vous ai pas prise en pitié, madame. J’ai juste recherché la vérité.
– Vous m’avez crue. Vous êtes allé plus loin que ce que révélaient les apparences.
– Comment aurais-je pu ne pas vous croire ?
Coincé entre les sacs de grains à l’odeur entêtante, Maxime ne perdait rien de la conversation dont les voix aux accents si tendres le faisaient imaginer la douceur des regards qui se captent et se perdent l’un dans l’autre. Les paroles échangées lui prouvaient que Flumel n’avait pas été un complice mais un pantin qui s’était laissé prendre aux mensonges de la belle tirant les ficelles au gré de sa volonté.
Des mots l’étonnaient cependant. De quelle infortune parlait Catherine ? Son infortune était grande en vérité. Meurtrière, par deux fois, elle était loin d’être la victime pitoyable qu’elle s’imaginait. Elle avait maquillé les preuves. Le policier l’avait crue, il l’avait aimée et l’avait sauvée de l’échafaud en envoyant un innocent à sa place
Cependant Maxime était contrarié, il attendait, restait sur sa faim. Cette conversation à mots couverts ne le satisfaisait pas. Elle ne lui apprenait rien, elle n’apportait aucun élément de vérité. Catherine et Flumel parlaient certes du passé mais ils l’évoquaient à travers des notions inattendues évoquant le soutien, le sauvetage, la pitié, mots déroutants pour Maxime qui attendait des aveux. Catherine était-elle par hasard si peu repentante de son double crime qu’elle parait son compagnon des vertus d’entraide et de miséricorde ?
Maxime n’y tint plus. Il se résolut à se lever devant eux comme l’archange vengeur brandissant la fourche de sa colère afin de leur lancer au visage la terrible accusation. Il faudrait bien alors qu’ils s’expliquent. De leur défense acharnée naîtrait la vérité nue et sans artifice.