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De quoi ça parle?
Dès que Mélanie visita l’appartement situé au numéro 27, elle sut qu’il allait devenir son refuge, un havre providentiel où fourbir ses ressources et asseoir son assurance défaillante, comme un petit coin de paradis.
L’impression d’un lieu miraculeusement préservé perdura jusqu’à ce que le propriétaire de l’appartement du premier se fasse assassiner dans son lit. Alors toutes les certitudes de Mélanie volèrent en éclats, il n’y eut plus de retraite, plus d’espérance. Avant la disparition de Lavoisier, la lumière semblait couler plus bleue, les gens paraissaient plus gais. Après, tout devait changer puisque la mort s’était sournoisement invitée…
Où est-ce que ça se passe?
Dans une rue de Paris, au numéro 27
Plan de l’immeuble:

Découpe du roman:
I. Le refuge
II. Première partie: Compte à rebours
– Rentrée des classes
– Laura et compagnie
– Rodolphe
– Entre voisins
– Le couperet
III. Seconde partie: La police entre en scène
– Ce que dit la concierge
– Paroles de témoins
– Paroles de policiers
– Ultime confession
Extraits:
Dès que Mélanie pénétra dans l’appartement que lui vantait depuis la veille l’agent immobilier, elle sut qu’il était pour elle. Ce jour-là, la lumière venue du ciel cascadait douce et gaie, la journée scintillait, éclaboussée par les feuilles cramoisies des arbres qui viraient au bronze. Dans la rue bruyante stagnait l’odeur de la ville, puante comme de l’acide, lourde de transpiration, d’urine, de fumées de pots d’échappement. L’odeur de Paris.
Au 27, l’agent ouvrit une porte au bois soigneusement patiné et derrière, Mélanie fut accueillie par le sourire chaleureux d’un mur recouvert de glaces qui multipliaient à l’infini les statues rêveuses encastrées aux moulures du plafond. Par terre un doux tapis d’arabesques bleues se perdait au milieu d’un champ de fleurs écarlates.
C’était comme si la campagne tout d’un coup s’invitait à Paris. Les bruits s’estompaient, les relents des voitures, les sirènes des ambulances, les milliers de souffles de la foule entassée disparaissaient quelque part au-dehors, loin, très loin…
Partout luisait le bois, nourri à la cire, merveilleusement vivant, veinant les marches polies, les portes des appartements… La future location de Mélanie se dressait au 4ème étage, et donnait sur la rue: parquet satiné, cheminées de marbre rouge dans les deux pièces, plafonds blancs arrondis, salle de bains lumineuse grâce à la magie d’une trappe béante ouverte sur le ciel. Par les fenêtres, le soleil épousait les vitres transparentes en leur passant aux doigts mille anneaux d’or. Tout comme elles, Mélanie était sous le charme.
Nouvellement mutée dans la capitale à la figure d’ogre pour un poste de professeur de physique, la jeune provinciale redoutait ce saut dans l’inconnu, l’immensité, la démesure. Alors cet immeuble aux airs de campagne la rassurait, il allait devenir son refuge, un havre providentiel où fourbir ses ressources et asseoir son assurance défaillante, en laissant à la porte les peurs de la grande ville. Dans ces deux pièces lumineuses pousserait son petit coin de paradis.
L’impression d’un lieu miraculeusement préservé perdura jusqu’à ce que le propriétaire de l’appartement du premier, Philippe Lavoisier, se fasse assassiner dans son lit. Alors toutes les certitudes de Mélanie volèrent en éclats. Il n’y eut plus de retraite, comme si ce matin funeste de novembre où la concierge découvrit le cadavre gisant dans ses draps, la poitrine frappée d’un couteau, marquait le glas de toutes les espérances. Avant la disparition de Lavoisier, la lumière semblait couler plus bleue, les gens paraissaient plus gais. Après, eh bien, après, tout devait changer puisque la mort s’était invitée sournoisement, irréversiblement. Elle avait frappé, et déjà c’était la fin.
─ A votre avis, quel est le mobile de l’assassin ?
─ Si je le savais, je connaîtrais aussi son nom. C’est dans la personnalité de Lavoisier qu’il faut creuser, là se trouve la solution. Que savons-nous de lui ? Il travaillait comme un fou pour amasser de l’argent, il était vénal, mais en même temps profondément endetté. Sans le taxer d’insociabilité, on peut dire qu’il était froid, hautain, arrogant, inapte aux concessions, insensible aux sentiments des autres, égocentrique. Bref, un robot pas très sympathique.
─ Ouais, c’est le type même du consommateur que je déteste: il prend les choses, les rejette sans ménagement une fois qu’elles ont servi, il claque son fric de façon indécente mais croit que tout lui est dû.
─ Une attitude aussi détestable lui a certainement attiré pas mal d’ennemis, soupira l’inspecteur. Je me demande…
─ Quoi ? Qu’est-ce que vous vous demandez ?
─ Je n’ai pas aimé le regard par en-dessous dont m’a gratifié Bruno Imbert quand je l’ai interrogé ce matin. C’était un regard sournois, qui s’accompagnait d’un sourire plat qui ne voulait rien dire sur le moment, mais qui, avec le recul, me paraît lourd de significations.
─ Lesquelles ?
─ Je ne sais pas trop. J’ai comme l’impression qu’il y avait quelque chose de faux dans son attitude, qui ne collait pas au personnage. Bruno Imbert est un homme plutôt insignifiant, aussi bien physiquement que professionnellement, et pourtant, maintenant que j’y repense, je me rends compte qu’il m’a répondu avec un aplomb auquel je ne m’attendais pas de sa part.
─ Vous croyez qu’il a menti ?
─ J’aimerais en tout cas que l’on vérifie plus précisément son alibi. Il a déclaré avoir dormi chez ses parents le soir du meurtre, mais il faudrait s’assurer qu’il n’ait pas fait l’aller-retour en cachette. Ses parents habitent à Clichy, ce n’est pas si loin. Il y a encore des métros qui circulent à minuit.
─ Est-ce que sa femme a confirmé sa présence auprès d’elle ?
─ Oui, elle l’a validée. Mais c’était dans le cadre du premier interrogatoire, alors que je cherchais simplement des réponses à la question: « Où étiez-vous à minuit ? ». Je n’avais alors aucun soupçon et je n’ai pas cherché à approfondir sa réponse. Puis-je être certain qu’elle aurait entendu son mari se lever et quitter la chambre ? Elle a prétendu ne pas avoir recours aux somnifères et d’ailleurs, nous n’en avons pas trouvé dans leur appartement. Je pense quand même qu’il faudrait la réinterroger. L’air fanfaron de son mari ne me revient vraiment pas.
─ Quel serait son mobile ?
─ Je te l’ai dit, je me méfie de ce genre de types qui paraissent inoffensifs tellement ils sont insignifiants au premier abord, mais qui peuvent se révéler dangereux quand on les mord. Ils n’en ont pas l’air mais ils ont souvent une haute opinion d’eux-mêmes et ils n’aiment pas qu’on les contrarie. Ce sont souvent des hommes de cet acabit qui battent leurs femmes. Je m’imagine très bien le père Imbert tuant Lavoisier pour se venger. Parce qu’il l’aurait pris de haut, ou parce qu’il lui aurait fait une crasse.
─ D’accord, on va les mettre un peu sous pression, lui et son épouse. Peut-être qu’on en tirera quelque chose. Il faudrait aussi regarder du côté de l’ostéo du quatrième: Godefroy Mesnard. Lavoisier a refusé de le prendre comme associé dans son cabinet. C’est le genre d’insultes qu’on n’oublie pas.
─ L’épisode en question date de l’année dernière, contra l’inspecteur.
─ Vous m’avez dit tout à l’heure que la vengeance était un plat qui se mangeait froid.
─ Et qu’il faut penser à la reproduction des clefs. Tu as raison. Le jeune Mesnard n’a pas d’alibi, il s’est contenté de prétendre qu’il dormait au moment où le crime a été commis. Pourtant je ne le crois pas coupable. Il y a en lui un entrain si contagieux, qu’il porte comme une seconde peau. Il m’a paru généreux, positif, sain. Puis-je me tromper ainsi sur son compte ?
─ Peut-être, peut-être pas. Comment savoir comment les gens vont réagir ? Regardez Lavoisier, qu’on nous a dépeint comme un homme sûr de lui, à la limite de l’arrogance. Eh bien, quelques heures avant sa mort, il lui est arrivé quelque chose d’important qui a renversé son assurance habituelle. Témoin, ce coup de téléphone improbable à Mélanie Dousset, qu’il n’a jamais vue. Rappelez-vous les paroles de Mélanie: il avait l’air pressé, nerveux, comme s’il attendait quelque chose. Or après avoir pris rendez-vous avec la jeune femme, il ressort et ne rentre qu’à vingt-deux heures. Qu’a-t-il bien pu faire ? A-t-il rencontré quelqu’un ? Que s’est-il passé ? J’ai fait circuler sa photographie dans tous les bars et les restaurants du quartier, mais sans résultat.
─ Et aux guichets des stations de métro les plus proches ?
─ Pareil. Personne ne se rappelle de lui.
─ Où a-t-il bien pu aller ce soir-là ? s’interrogea l’inspecteur. Et surtout qui a-t-il vu ? Tant que nous buterons sur cette question, il nous manquera un élément primordial pour pouvoir avancer.