Point presse en clair

Portrait dans Lettres Capitales le blog littéraire de Dan Burcea: le 16 mai 2021

Qui êtes-vous, où êtes-vous née ? Où habitez-vous ?
Je suis née en Creuse, et après des escales à Limoges, Toulouse puis Paris, j’habite dorénavant en Isère, dans un petit village entre Lyon et Grenoble. Je m’y sens bien.

Vivez-vous du métier d’écrivain ou sinon, quel métier exercez-vous ?
Non, je n’en vis pas. J’ai fait des études scientifiques qui ont débouché sur un poste d’ingénieur dans la navigation aérienne, d’abord à Paris, puis depuis 2004, à l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. Mon parcours est jalonné par deux tendances a priori contradictoires mais qui en fait se complètent très bien. Mon métier est essentiellement technique, ancré dans le matériel, dans la rigueur et la concentration à l’instant t. Quant à ce besoin de créer qui m’anime en parallèle, l’écriture justement me permet de l’assouvir.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Depuis toute gamine les livres font partie de ma vie, un peu comme des amis qu’on apprécie d’avoir sous la main. Je lis toutes sortes de livres. Ce qui compte, c’est d’apprendre, m’interroger, ressentir, et surtout m’évader. Dans les univers imaginés par les écrivains, et aussi dans ceux que j’invente. Quand j’étais petite, j’ai commencé à écrire des poèmes, pour le plaisir de jouer avec les mots. J’adorais passer des heures à me triturer la cervelle pour trouver des jolies rimes. J’ai aussi écrit des petites pièces de théâtre, ainsi que des nouvelles qui faisaient travailler mon imagination. C’était des histoires courtes, avec trois-quatre personnages, et une trame très basique, très simple. Je n’étais pas du tout dans le mode roman à l’époque. Le déclic s’est produit quand ma grand-mère, peu avant sa mort, a commencé à me parler de sa vie pendant la seconde guerre mondiale. Elle m’a montré les lettres que son mari, resté prisonnier en Allemagne jusqu’à la Libération, lui avait envoyées. Elle m’a raconté son quotidien pendant ces six années difficiles tissées de solitude, d’absence et de peur. J’ai été profondément émue, j’ai eu envie d’écrire là-dessus, de faire un album photos à ma manière, avec mes propres mots, un roman souvenirs. Il me semblait que c’était quelque chose que je devais à ma famille. L’expérience m’a beaucoup plu, elle m’a prouvée que j’étais capable d’écrire une histoire longue et aboutie, et pas simplement sur quelques pages. J’ai donc continué à écrire, cette fois en puisant dans mon propre univers.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
« Le bonheur des dames » de Zola a marqué mon adolescence mais aussi l’auteure que j’essaye d’être aujourd’hui. Il y a dans ce livre un souffle de vie si puissant, un foisonnement si riche dans l’évocation des tissus, les bains de foule, les métaphores qui se chevauchent, se répondent, qu’on y plonge avec bonheur pour se laisser emporter comme par une tornade. Le grand magasin lui-même y gagne une dimension humaine, à la fois monstrueuse et fascinante. Il n’est pas simplement un lieu, il est LE personnage central du roman, celui qui détermine la destinée des autres personnages. Qui fait que désormais je ne peux plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ces fourmillements de la vie que Zola raconte avec génie. Qui fait que je suis toujours à la recherche de cet élan, cet appel, comme une vague tumultueuse prête à laisser ses flots liquides se culbuter dans ma tête.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
J’écris des romans, qui me servent de déclencheurs pour aborder des thèmes qui me tiennent à cœur, et me permettent d’extérioriser des questions ou des peurs tapies au fond de moi. Mais comme je le disais plus haut, si j’aime inventer des histoires, j’aime aussi jouer avec les mots,. Il y a donc des élans de poésie dans mes romans. Je continue d’ailleurs à écrire des poèmes de temps en temps, quand le besoin de crier un sentiment, de révolte, d’indignation, de beauté aussi parfois, ou simplement de paix, devient trop fort et demande à être évacué.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième personne ?
Avant de commencer à écrire la première ligne d’un nouveau livre, je travaille d’abord la trame dans ma tête. J’établis un scenario de base, chapitre après chapitre, assez évasif, et nullement figé. Ce n’est qu’après avoir réuni un certain nombre de notes que je me lance dans l’écriture de la scène telle que je l’ai pensée. Ce premier jet s’effectue sur des feuilles, j’ai besoin de mon bloc de papier et de mon stylo pour que les mots se déroulent, comme si le fait de pouvoir raturer relançait mon imagination lors des moments d’hésitation. Je passe ensuite au clavier, lors d’une relecture qui me permet alors d’insister sur le style et la formulation proprement dite. Remplacer un mot par un autre, plus adéquat, ou plus poétique. Insérer une phrase de transition. En alléger une autre. C’est une étape importante dans la construction de mes livres.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne  vie comme œuvre de fiction ?
Les livres que j’écris me servent de confidents, de détonateurs pour réfléchir à certains sujets qui m’interpellent. Je pioche donc beaucoup dans mon imaginaire personnel, et dans mes expériences d’adulte, avec mes espoirs, mes interrogations et mes peurs. Pour « Le coq ne chantera plus » par exemple, j’avais besoin d’exorciser le sentiment cruel d’isolement qui parfois me submerge en tant que mère lorsque je suis confrontée à la complicité exclusive qui s’établit entre mon mari et mes fils. Cette complicité se réalise à travers la pratique assidue de sports extrêmes que je ne suis pas capable de suivre et qui forcément me laisse de côté, et me fait mal. La trame de mes histoires s’abreuve aussi à des inquiétudes plus universelles, comme le harcèlement à l’école ou la violence conjugale, des thèmes douloureux que je dois crier sur le papier pour mieux expulser ma révolte. Il faut de longs mois pour que l’intrigue qui en surgisse se développe, elle doit d’abord macérer, s’affiner, afin de pouvoir ensuite donner tout son potentiel.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
En général le titre de mon ouvrage me vient dès l’élaboration de la trame, et donc bien avant le développement narratif. Il s’impose sans que j’ai besoin de me concentrer dessus, au détour d’une idée. Il jaillit, je l’empoigne, je le note et l’encadre, il est rare qu’il soit délogé par un autre. Parfois il résume, sans qu’il soit possible bien sûr d’y mettre l’essence entière du roman, parfois il intrigue, il attire. Il se dresse telle une sentinelle exigeante, un gardien de phare qui surveille mes personnages, les retient auprès de lui et les guide vers le dénouement, sans leur permettre de trop vagabonder en chemin.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
J’aime mes personnages, jusque dans leurs défauts qui jouent toujours un rôle dans le développement de l’intrigue. Même ma Nathalie affabulatrice de « La ronde des menteurs », qui ne se gêne pas pour s’affranchir de certaines contraintes mais, au lieu d’avoir le courage d’avouer la vérité en face, s’enlise dans des mensonges sans fin, m’est sympathique. Ce qui ne m’empêche pas de la malmener. Il faut bien des mises à l’épreuve pour que l’histoire prenne forme et progresse. Les personnages de mon dernier roman, « Le coq ne chantera plus », me sont encore plus proches, peut-être parce que je voulais des émotions encore plus intenses, qui font appel à des souffrances et à des peurs qui sont celles de beaucoup d’entre nous et ne peuvent pas laisser indifférents. Ce sont cependant des personnages de fiction, ils vont naître en fonction de ce que j’ai envie de raconter, chaque trait de leur caractère enrichit et nourrit mon histoire.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Mon nouveau roman « Le coq ne chantera plus » chante la résilience, l’amour filial et surtout l’amitié, de celle qui amène les gens à se dépasser. Amitié en tant que refuge quand, dans les familles, certains membres ne trouvent pas leur place. Amitié coup de foudre entre Faustine, assoiffée d’affection, isolée au sein de sa propre famille, et Célia, épouse battue, qui a peur d’être soupçonnée d’avoir tué son mari. L’idée est partie de la volonté d’assouvir une forme de justice vis à vis des violences conjugales. Je me suis dit que sur le papier tout du moins, je pouvais faire en sorte que le mari cogneur de sa femme soit assassiné. Par qui ? L’enquête policière reste secondaire, parce que mon idée principale, c’était surtout de montrer l’amitié comme une bouée de sauvetage, un moyen de se relever quand les cassures deviennent trop lourdes à porter. Je voulais une histoire bien ficelée, avec des émotions puissantes, des personnages marqués, à la fois déchirés mais volontaires et pleins d’espoir, du suspense. Ecrire un roman entre psychologie et polar, qui s’inscrit dans une atmosphère intimiste.

En ce moment je suis en train de travailler sur un roman dans lequel le personnage principal est une libraire qui va perdre la vue et se retrouvera confrontée à un monde inconnu et hostile qui n’a plus rien de commun avec ce qu’elle connaissait, et aimait. C’est là un thème que j’ai besoin d’aborder afin de canaliser la peur qui reste enfouie en moi, la peur de devenir aveugle alors que mon monde, mon métier, mes loisirs, toute ma vie, sont basés sur le visuel. Le combat de cette femme, ce sera un peu le mien. « La face cachée des arcs-en-ciel ».


Le jeu des 7 questions chez Nombre7: le 14 mai 2021



Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi… de Rachel Joyce. Une pépite qui m’a bouleversée. Comme lectrice parce que l’histoire véhicule des émotions intenses. Et comme auteure, parce que c’est le genre de roman que je voudrais écrire.

Quelles sont vos influences littéraires pour ce roman ?
J’aimerais pouvoir dire que je suis influencée par Fred Vargas. J’adore ses romans qui font la part belle aux dialogues, aux personnages et à la poésie. Dans un autre genre, Valérie Perrin est aussi pour moi un modèle, de par sa plume sensible, réaliste, émouvante, qui donne la parole aux gens simples et sait si bien raconter des histoires.

Piochez-vous parmi des éléments biographiques lorsque vous écrivez ?
Je pioche beaucoup dans mon imaginaire personnel et dans mes expériences d’adulte, avec mes espoirs, mes interrogations et mes peurs. Pour « Le coq ne chantera plus », j’ai puisé dans la complicité existant entre un père et son fils, complicité exclusive qui se joue au détriment de la mère. C’est une souffrance que je connais bien car mon mari et mes deux garçons excellent dans des sports auxquels physiquement je n’arrive pas à participer. J’avais besoin d’exorciser ce sentiment d’isolement, et d’en nourrir mon histoire. Après, j’écris des œuvres de fiction, avec des situations inventées et des personnages sortis de mon imagination, qui vont naître en fonction de ce que j’ai envie de raconter.

Quel personnage vous inspire le plus ? Et oriente-t-il votre écriture ?
Le Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. J’envie son éloquence, son sens de la repartie. Ah ! Sa fameuse tirade des nez : « ah non, c’est un peu court jeune homme, on pouvait dire, oh dieu, bien des choses en somme… ». Quel moment d’anthologie ! Et son amour impossible pour sa cousine, son courage, son dévouement, ses souffrances d’homme mal aimé à cause de la disgrâce de son visage. Quelle source d’inspiration inépuisable. Je l’admire. De là à dire qu’il oriente mon écriture, la réponse est non, car son panache est inimitable.

Votre citation favorite ?
« La vie doit se manger pour vivre ». C’est une bonne formule pour avancer. Profiter. Etre gourmand de tout ce qui se présente.

Comment vous est venue l’idée pour écrire votre ouvrage « Le coq ne chantera plus » ?
L’idée est partie de la volonté d’assouvir une forme de justice vis à vis des violences conjugales. Je me suis dit que sur le papier tout du moins, je pouvais faire en sorte que le mari cogneur de sa femme soit assassiné. Par qui ? J’avais déjà mon petit scenario en tête, avec l’envie d’embrouiller les pistes, mais tout en gardant l’enquête policière comme une trame secondaire. Parce que mon idée principale, c’était surtout de montrer l’amitié comme une bouée de sauvetage, un moyen de se relever quand les cassures deviennent trop lourdes à porter. Je voulais des émotions, des personnages forts, à la fois déchirés mais pleins d’espoir, du suspense.

Et si vous deviez décrire votre livre en une phrase ?
Entre roman, polar et poésie, ce livre parle d’amitié en tant que refuge quand, dans les familles, certains membres ne trouvent pas leur place.


En voici le contenu:

Pouvez-vous me décrire votre parcours ?
Mon parcours est jalonné par deux tendances a priori contradictoires mais qui en fait se complètent très bien. J’ai fait des études scientifiques qui ont débouché sur un poste d’ingénieur dans la navigation aérienne, d’abord à Paris, puis à l’aéroport de Lyon. C’est un métier essentiellement technique, ancré dans le matériel et dans l’action en temps réel. Et moi, j’aime créer, j’aime rêver, malgré la rigueur que demande mon travail. D’où ce besoin d’écrire qui est devenu une passion dont j’aurais du mal à me passer.

Quelles étaient les lectures de votre enfance ?
Mon enfance a été gavée aux romans d’Agatha Christie et à ceux de Jane Austen, deux romancières anglaises qui ont marqué profondément mon univers littéraire. Avec Agatha Christie, j’ai découvert l’art d’embrouiller les pistes, j’adorais me laisser mener en bateau, tout en essayant de découvrir le coupable. Tout cela dans cette atmosphère délicieusement mondaine de l’Angleterre du début du XXème siècle. Avec les romans de Jane Austen, je me suis plongée avec délice dans un univers romanesque où les jeunes filles de bonne famille parlent mariage et vie sentimentale, et s’affrontent lors de dialogues étincelants, teintés de cette touche burlesque si particulière à l’auteure. Un régal!

Comment vous est venue l’envie d’écrire ? A quelle période ?
J’ai toujours pris plaisir à jouer avec les mots. Quand j’étais petite, j’écrivais des poèmes, j’adorais me triturer le cerveau jusqu’à trouver des jolies rimes. J’écrivais aussi des petites pièces de théâtre, ainsi que des nouvelles. Je n’étais pas du tout dans le mode roman à l’époque. Le déclic s’est produit quand ma grand-mère, peu avant sa mort, a commencé à me parler de sa vie pendant la seconde guerre mondiale. Elle m’a montré les lettres que son mari, resté prisonnier en Allemagne jusqu’à la Libération, lui avait envoyées. Elle m’a raconté son quotidien pendant ces six années difficiles tissées de solitude et d’absence. J’ai été profondément émue, j’ai eu envie d’écrire là-dessus, faire un album souvenir à ma manière, avec mes propres mots. L’expérience m’a beaucoup plu, elle m’a prouvée que j’étais capable d’écrire une histoire longue et aboutie, et pas simplement sur quelques pages. J’ai donc continué à écrire, cette fois en puisant dans mon imaginaire personnel et dans mes expériences d’adulte, avec mes joies, mes désillusions, mes interrogations et mes peurs.

Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)
Il faut du temps pour écrire. J’ai la chance d’avoir un métier en décalé, qui m’occupe beaucoup la nuit, les matins de bonne heure ou les après-midis, les week-ends aussi. En contrepartie il me laisse du temps libre en journée pendant la semaine. J’en profite alors pour m’immerger dans mon histoire. J’ai besoin d’être en total accord avec mes personnages, de pouvoir me concentrer sur eux. Si j’arrive à grappiller plusieurs heures à la suite, c’est l’idéal. Ce n’est évidemment pas facile et pas toujours compatible avec la vie de famille. Quand je suis dans la phase de rédaction de mon roman, j’écris aussi beaucoup les soirs. Ecrire me tient éveillée et j’avoue que j’ai alors du mal à quitter mes personnages, je suis tellement bien avec eux que j’ai envie de rester.

Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre, en connaissez-vous déjà la fin ?
Avant de commencer à écrire la première ligne d’un nouveau livre, je travaille d’abord la trame dans ma tête. J’établis un scenario de base, assez évasif, et nullement figé. Mais j’en connais le début et je connais la fin. Dès que l’idée d’une nouvelle histoire me trotte à l’esprit, je sais où elle va me mener, mais je ne sais pas toujours par quel biais je vais y arriver. C’est là où l’improvisation et le travail d’écriture prennent toute leur saveur, quand les personnages m’entraînent dans une direction qui n’est pas forcément celle à laquelle j’avais pensé au départ et qu’ils me forcent à faire travailler mon imagination à plein régime pour retomber sur le dénouement voulu.

Pouvez-vous nous parler de votre roman « La ronde des menteurs » aux éditions Les Presses Littéraires?
« La ronde des menteurs » est un polar atypique, à la fois intimiste et social, qui s’interroge sur les dangers des mensonges lorsqu’ils se retournent contre leur instigateur. J’avais depuis longtemps envie d’écrire une histoire basée sur des personnages faisant des mensonges une habitude de vie. J’ai donc créé une héroïne qui n’a pas le courage de dire non à ses engagements et préfère s’inventer des excuses pour ne pas les honorer. Ces faux prétextes, qui ne prêtent pas à conséquence, pense-t-elle, se retournent contre elle le jour où deux crimes sont commis dans son village. En tant que femme de la première victime et bénévole dans l’association présidée par la seconde, elle semble la suspecte idéale. Parce qu’elle a menti, les gendarmes chargés de l’enquête la soupçonnent et ne croient à rien de ce qu’elle prétend. Seulement est-elle coupable? D’autres suspects, d’autres menteurs sont en lice, d’autant plus nombreux que dans le village s’activent les préparatifs d’un festival artistique qui révèlent d’inquiétantes ambitions cachées.
Ce qui, je pense, donne un point de vue original à cette histoire, et lui confère un rythme qui tient le lecteur en haleine, c’est qu’elle est vécue du point de vue de l’héroïne, les policiers restant en retrait. C’est par elle et pour elle que tout arrive, jusqu’au dénouement final, tout à fait inattendu.

Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspirée ?
Mes personnages sont créés de toutes pièces par rapport à l’histoire que j’ai envie de raconter. « La ronde des menteurs » traitant des mensonges et de leurs conséquences, j’ai imaginé une héroïne affabulatrice, qui ne se gêne pas pour s’affranchir de certaines contraintes mais s’enlise dans des mensonges sans fin. Certes elle nous ressemble. Qui n’a en effet jamais menti pour échapper à une corvée en prétextant avoir piscine, ou la migraine? Elle nous ressemble mais elle est en même temps unique. En face d’elle, pour que mon histoire prenne forme, il me fallait une présidente d’association dominatrice et envahissante, suffisamment antipathique pour s’attirer les rancoeurs de son entourage, jusqu’à sa mise à mort. Il me fallait aussi des suspects, avec des mobiles plausibles, afin de nourrir mon intrigue. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de la sœur adultère et de la trésorière ambitieuse, pour ne citer qu’elles. Chaque trait de caractère de mes personnages enrichissant mon histoire, je les invente en fonction de ce que j’ai envie de dire.

Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?
L’élaboration d’un roman ressemble à une aventure en plusieurs étapes. La première étape, c’est l’écriture, dans laquelle on donne tout ce qu’on a. On y travaille des semaines, des mois. L’histoire avance, chapitre après chapitre, jusqu’au dénouement final. Le manuscrit est alors terminé, il est corrigé, il a été lu et relu. Est-il bien? Va-t-il plaire? Ces questions se bousculent dans notre tête, l’incertitude commence, et avec elle l’attente, exaspérante, usante. Cette attente des réponses des maisons d’édition est douloureuse car elle oblige l’auteur à s’arrêter dans son élan créateur, alors que l’histoire qu’il vient de raconter n’est pas achevée, puisqu’elle n’en est qu’au stade du manuscrit. Le bout du voyage, c’est quand l’histoire se retrouve à l’abri entre les pages d’un livre, avec une belle couverture qui lui correspond. Mais en attendant, l’élan est brisé, il faut passer à autre chose.
J’ai envoyé mon manuscrit à plusieurs maisons d’éditions. Certaines ont annoncé franchement que si je n’avais pas de réponse dans les quatre mois, cela voulait dire qu’elles le refusaient. Un peu glaçant comme accueil: Quatre mois d’espoirs à attendre chaque jour une réponse… Je me suis plongée dans l’écriture d’un nouveau roman, pour compenser, déçue tout de même de laisser l’autre en suspens, comme s’il m’échappait.
J’ai reçu au bout de longues semaines des réponses standardisées qui m’avisaient que mon manuscrit ne correspondait pas à leur ligne éditoriale actuelle, qu’ils étaient surchargés de demandes. Et puis un jour l’éditeur des Presses Littéraires m’a contactée. Mon histoire lui plaisait, il voulait la publier, il aimait mon style. A partir de là, l’aventure s’est envolée, tout est allé très vite. J’ai signé le contrat, on a travaillé ensemble sur la couverture, la mise en page, les corrections. C’était passionnant de retrouver mon texte après tous ces mois en lui attribuant cette fois une enveloppe, et donc une légitimité en tant que livre à paraître.

Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de vos livres ?
Les remarques qui m’ont le plus touchée sont celles où les lecteurs me remercient de leur avoir fait passer un très bon moment et m’encouragent à continuer à écrire parce qu’ils ont hâte de lire le prochain. Ce genre de reconnaissance fait chaud au coeur. J’ai reçu aussi des remarques plus pertinentes à propos de ma construction, claire, précise, et rythmée; sur ma recherche des mots justes et sensibles; sur mes personnages bien cernés. Ces avis font du bien car ils me donnent confiance en ma légitimité d’auteur.
La cerise sur le gâteau, je l’ai reçue de la part d’une lectrice qui, auteure elle aussi, a trouvé mon écriture ciselée et originale, et pensait qu’il y avait de l’Agatha Christie en moi. Quel beau retour pour une ancienne petite fille dévoreuse des romans de la reine du crime!

Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?
Parallèlement à l’écriture, mon autre passion est son pendant, la lecture. Les livres sont pour moi à la fois une source d’évasion et une source de connaissances, que j’apprécie d’avoir sous la main, pour passer un bon moment, ou en cas d’insomnie. Je lis toutes sortes de livres, des romans historiques, des romans plus initiatiques, des comédies, des polars: j’alterne. Ce qui compte, c’est de m’évader et d’aller à la découverte d’autres univers. Je suis une grande rêveuse finalement, j’ai besoin de m’évader. J’aime donc aussi beaucoup le cinéma, même si je préfère l’évasion plus lente et plus profonde que me procurent les livres. Mais je ne résiste pas au plaisir de me plonger de temps en temps dans l’histoire racontée par un film, plaisir dense, magnifiquement visuel, qui peut aussi prendre aux tripes et bouleverser.
Ma vie de loisirs tient donc beaucoup dans l’évasion et l’imaginaire, ma vie professionnelle fait davantage appel à la rigueur et à la prise de décision rapide. La troisième facette de mon caractère me pousse à me plonger dans les échanges sociaux, parce que je suis curieuse, j’aime rencontrer des gens et partager avec eux. J’essaye donc de m’investir dans la vie locale de mon village. J’ai d’abord fait partie pendant plusieurs années d’une association multiculturelle, en tant que trésorière. Et depuis bientôt un an, je suis conseillère municipale, je participe notamment à la commission culture et communication, ainsi qu’à la commission enfance et sports. C’est une expérience très enrichissante, qui m’apporte beaucoup au point de vue humain.

Avez-vous des projets ?
Je viens de signer un contrat pour un nouveau roman, et je travaille donc en ce moment à ce que sa sortie se passe au mieux. Il s’intitule « Le coq ne chantera plus » et paraîtra normalement au mois de mai. S’y croisent au fil des pages un coq trop matinal, un enfant maladivement réfugié dans le monde des peluches, une femme battue, une autre incapable de trouver sa place auprès de sa famille. Les sorts du coq et du mari se régleront à coups de pierres, et ne laisseront personne indemne.
Tourne aussi dans ma tête l’histoire d’une libraire qui va perdre la vue et se retrouvera confrontée à un monde inconnu et hostile qui n’a plus rien de commun avec ce qu’elle aimait. C’est là un thème que j’ai besoin d’aborder afin d’exorciser la peur qui reste tapie en moi, la peur de devenir aveugle alors que mon monde, mon métier, mes loisirs, toute ma vie, sont basés sur le visuel. Le combat de cette femme, ce sera le mien, je me projetterai beaucoup en elle.

Quels sont vos coups de coeur littéraires ?
J’en ai deux qui me viennent immédiatement à l’esprit, sans la moindre hésitation:
« Le petit garçon qui voulait être Mary Poppins » d’Alejandro Palomas, pour sa tendresse bouleversante qui m’a comme ramenée à l’âge si innocent de l’enfance et qui chante l’amour, les rêves, le vide, la puissance de l’imaginaire.
« L’ombre du vent » de Carlos Ruiz Zafron qui entraîne le lecteur dans la Barcelone de l’après-guerre, une Barcelone insolite, cauchemardesque, noyée sous la brume et la pluie. Dans ce récit initiatique aux allures de thriller, les mots, forts, sensibles, poétiques souvent, claquent.

Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « La ronde des menteurs » ? A moins que le silence suffise ?
Pour s’accompagner au début du roman, la chanson « Le dîner » de Bénabar s’impose comme une évidence, tellement elle colle à la peau de mon héroïne et la reflète au mieux pour son entrée en scène. J’enchainerai ensuite avec du Muse, « Uprising », pour accompagner les préparatifs éprouvants du festival artistique. Et « Feeling good » quand les meurtres entrent en scène. Pour souligner la souffrance, les découvertes qui font mal, l’insupportable solitude: « L’âme dans l’eau » de Mylène Farmer, « Je respire comme tu mens » de Corson, « Comment est ta peine » de Benjamin Biolay. « Graffiti on the train » de Stéreophonics. Bear’s Towers’s avec « The River » ou « Tide and Shore ». Coldplay avec « Trouble ». Quand le coupable enfin se dévoile, il faut de la puissance, de l’énergie: « Fade away » de Yodelice me semble parfait. Le festival peut commencer.

Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
J’ai un site internet qui met en scène mon univers littéraire, et que je fais évoluer chaque semaine ou quinzaine, au gré de mes rencontres, de mes actualités et de mes écrits, poèmes, romans ou articles: https://www.geraldinerevesecriture.fr
Vous pouvez me laisser des messages sur le site, j’en serai ravie, et aussi sur ma page Facebook: @geraldinesommiermaigrot


Merci Géraldine Sommier-Maigrot d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

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Le petit plus : Portrait chinois

Si vous étiez un personnage de fiction ?
Je serais « Elizabeth Bennet », l’héroïne d’Orgueils et Préjugés de Jane Austen. J’admire son esprit de répartie, sa vivacité et son ironie, un peu le contraire de moi en fait. Je suis plutôt du genre à me réveiller un quart d’heure après la fin d’une discussion, et à me gourmander en pensant: mais c’est ça que j’aurais dû dire, bon sang.

Si vous étiez un livre ?
« Le petit garçon qui voulait être Mary Poppins », une pépite, le genre de livre que j’aurais bien aimé écrire.

Si vous étiez un film ?
« Le diable s’habille en Prada ». Le film magique pour remédier aux baisses de moral.

Si vous étiez un mot ?
« Bonheur », parce qu’il englobe tous ceux qui comptent.

Si vous étiez une destination ?
« Bora Bora », la destination de rêve, dans une hutte au bord de l’eau turquoise, avec un bon livre évidemment.

Si vous étiez une mauvaise habitude ?
« Couper la parole aux gens », ce qui est tout le contraire de ce que je fais, mais au moins, cela montrerait que les mots sont capables de jaillir de ma bouche à la vitesse de la lumière, et pas un quart d’heure après le moment opportun…